Les questions parlementaires pertinentes posées au Sénat en juillet 2006 par Isabelle Durant (il est instructif de les relire !)

Mme Isabelle Durant (ECOLO)

Force est de constater que depuis les années 90, se développe de façon persistante et systématique la volonté de développer l’aéroport sans se poser les questions fondamentales des limites environnementales et de mobilité d’un tel développement. Cela a débuté déjà dans les années 90 et se poursuit au travers du plan START et d’autres initiatives de la Région flamande. Plusieurs étapes ont déjà été franchies en cette matière : la construction de la nouvelle aérogare, du nouveau pier, les investissements de capacité dans les pistes et leurs équipements de guidage, la construction de la nouvelle tour de contrôle, sans oublier le développement du plan dit de dispersion et la vente de la BIAC à Macquarie. Je citerai enfin un projet de loi cadre que votre collègue Landuyt a la volonté de faire passer à la Chambre et qui donnerait au ministre de la Mobilité virtuellement tous les droits pour décider où passeront les vols dans le futur.

Toutes ces étapes mises bout à bout semblent faire partie d’un plan cohérent et ambitieux de transformation fondamentale de cet aéroport pour satisfaire des ambitions économiques importantes. Est ce soutenable ? Jusqu’à quand et comment ?

J’ai donc trois questions précises à vous poser concernant ces projets d’expansion de l’aéroport, au regard du droit communautaire européen.

La première concerne l’appel d’offre pour la vente de la BIAC à Macquarie. Il me revient que le contrat de vente de la BIAC à Macquarie comporterait des clauses secrètes, disons non publiques, obligeant l’État belge à rembourser 500 millions d’euros dans le cas où les clauses contractuelles ne seraient pas réalisées. L’une de ces clauses prévoirait que l’État belge s’engage à ce que le nombre de vols minimum à Bruxelles National ne soit jamais limité à moins de 300.000 mouvements de jour et 10.000 mouvements de nuit. L’existence d’une telle clause serait évidemment très inquiétante pour tous les riverains et les victimes des nuisances de l’aéroport. Elle constituerait, en outre, une entrave importante à la volonté logique de réduire les nuisances d’un aéroport, conformément à la directive européenne 2002/49. Elle pourrait également poser des problèmes de concurrence déloyale de cet aéroport par rapport à d’autres qui, eux, doivent supporter les coûts environnementaux de manière transparente et proportionnelle. Enfin, elle représenterait une faute majeure dans la gouvernance et la gestion de ce dossier.

Pouvez-vous me rassurer quant à la présence d’une telle clause dans l’appel d’offre et le contrat de vente ?

Ma deuxième question concerne la vente des terrains autour de BIAC juste avant la vente de celle-ci à Macquarie. Le dernier rapport annuel de l’actionnaire principal de la BIAC, la société cotée en bourse Macquarie, mentionne en toutes lettres à l’intention de ses investisseurs qu’un potentiel important de profit provient du fait que des actifs immobiliers ont été obtenus en dessous du prix de marché et que le profit EBITDA de 135,9 millions d’euros de Macquarie inclut des gains en plus-value immobilière, ce qui est assez curieux pour un aéroport.

Cette situation semble douteuse également du point de vue du droit communautaire sur les marchés publics en ce sens qu’elle a pu favoriser injustement et de manière déloyale la BIAC et donc Macquarie par rapport aux autre aéroports. Cela ne pourrait-il pas être considéré également comme une situation de concurrence déloyale puisque cela donne une ressource économique supérieure à BIAC par rapport à des concurrents ? Je voudrais donc connaître la teneur des engagements stratégiques de l’État belge vis-à-vis de Macquarie dans le contexte de la BIAC qui ont justifié cet avantage concurrentiel.

La troisième question concerne une plainte déposée en son temps à propos du projet Zaventem 2000 auprès de la Commission européenne pour infraction à deux directives relatives aux études d’impact et à la consultation des populations.

Le MER – Milieueffectrapportering – de même que les mesures de communication ont été jugés insuffisants. La plainte aurait été classée sans suite et le pier a d’ailleurs été construit, malgré la mise en demeure formulée à l’égard de l’État belge le 30 avril 2001.

Qu’est-il très concrètement advenu de cette mise en demeure et de la promesse apparemment faite par la Belgique à la Commission de se mettre en ordre pour le futur, en particulier en ce qui concerne les études d’impact obligatoires et préalables, ainsi que la communication transparente au public ? J’aimerais connaître le détail des actions mises en place depuis cinq ans maintenant.

M. Bruno Tuybens, secrétaire d’État aux Entreprises publiques, adjoint à la ministre du Budget et de la Protection de la consommation. – Ma réponse à la première question sera brève et précise. Je puis en effet vous rassurer, madame Durant : il n’existe pas de clause de stabilité dans les contrats conclus avec Macquarie.

Concernant la deuxième question, je puis vous dire que BIAC a acheté les terrains en 2001, c’est-à-dire trois ans avant la vente des actions. BIAC a payé le prix du marché pour ces terrains qu’elle occupait alors gratuitement sous la forme d’un droit de superficie. Ce prix du marché était le résultat des analyses réalisées par des entreprises spécialisées en la matière.

On ne peut de toute façon pas parler d’un avantage concurrentiel parce qu’il s’agit d’une transaction normale dans le cadre de l’exploitation d’un aéroport. En outre, le développement real estate est une activité tout à fait légitime pour un aéroport comme Bruxelles. Il existe de nombreux exemples à l’étranger : Schiphol, Frankfurt, Paris, etc.

Je pense, en tout cas, madame Durant, que vous avez mal compris le texte du rapport de Macquarie que vous avez cité, lequel énonce clairement que BIAC dispose d’une marge pour augmenter les loyers de ses locataires.

Votre troisième question concerne l’implémentation des obligations du MER concernant la construction du Pier A.

Après les remarques de la Commission, BIAC a introduit une nouvelle demande de permis de bâtir pour la construction de ce pier, en y joignant le MER nécessaire et avec la transparence suffisante, entre autres la publication dans trois journaux, comme le demandait la Commission.

Mme Isabelle Durant (ECOLO). – Je remercie M. le secrétaire d’État de ses réponses, en particulier la première précision, à savoir que cette clause non publique n’existerait pas. C’est rassurant car la rumeur est persistante et inquiétante. Je me réjouis donc qu’il puisse affirmer aussi catégoriquement que cette clause n’existe pas. C’est un élément important pour la suite de ce dossier.