Vols de nuit au-dessus de Bruxelles: voici ce qui est permis et pourquoi

rtbf.be
14 août 2014

Les vols de nuit se poursuivent au-dessus de la capitale. Ils sont limités en nombre et réservés aux avions les moins bruyants. Le point sur le dossier en 7 questions.

  • Est-il normal d’entendre chaque nuit des avions décoller et atterrir de Zaventem entre 23h et 6h du matin ?

Oui, la loi l’autorise, mais des décisions du conseil des ministres de 2008 et 2009 limitent à un maximum de 16 000 créneaux horaires (des « slots ») par an de 23h00 à 05h59 dont maximum 5000 créneaux de décollage, soit en moyenne de 13 ou 14 par nuit. Les autres sont attribués aux arrivées. Avant cela, le maximum était de 25 000 « slots », dont environ 20 000 étaient utilisés en 2004. Ce sont les décollages de nuit qui entraînent le plus de nuisances sonores. Des parties de nuit de week-end sont en outre sans aucun décollage, sauf exceptions.

  • Qui bénéficie de ces exceptions ?

Les « slots » sont attribués par le coordinateur de l’aéroport à qui en fait la demande. Il y a bien sûr des priorités, liées à l’historique de la compagnie à l’aéroport.

Les « slots » de nuit bénéficient à l’aviation générale, au transport de passagers par lignes régulières (Brussels Airlines, Aeroflot) et charters (JetAir, Thomas Cook), ainsi qu’aux transporteurs de fret comme DHL.

DHL comptabilise environ 3300-3500 décollages (sur 5000 maximum) par an et autant d’atterrissages.

Les Boeing 757 de DHL ont suvolé Bruxelles de nuit à plusieurs reprises ce 13 août

Les Boeing 757 de DHL ont suvolé Bruxelles de nuit à plusieurs reprises ce 13 août – FlightRadar – RTBF

Cette société avait même obtenu la permission de survoler Bruxelles de nuit avec des Boeing 777, des cargos trop bruyants par rapport aux normes. Ils avaient néanmoins été autorisés au début de l’année par l’administration en concertation avec le cabinet du secrétaire d’Etat à la Mobilité Melchior Wathelet (cdH). Cette entorse au règlement avait été admise sous prétexte que la capacité élevée de ces appareils permettaient de réduire le nombre de mouvements de nuit de DHL (de 5 à 4) et de respecter la norme de bruit car les avions ne décollaient pas à pleine charge.

Officiellement, il n’y avait pas dérogation, mais de manière informelle, une autorisation verbale avait été donnée, selon Laurent Ledoux, président du Comité de direction du SPF Mobilité. Aujourd’hui, Laurent Ledoux explique que l’interdiction de voler la nuit sur Bruxelles en 777 a été signifiée à DHL. Des pénalités pourraient suivre en cas d’infraction. Mais nous sommes encore dans une phase d’inspection et des décollages de Boeing 777 ont toujours lieu en première partie de nuit, entre 23h et minuit. Ils pourraient bénéficier d’une exception qui prévoit que des appareils plus bruyants, qui ont opéré à Bruxelles en 2008-2009 pouvaient encore décoller de nuit à raison de maximum 200 mouvements par an… DHL se refuse à tout commentaire à ce sujet, mais son activité dépend étroitement de ces décollages de nuit.

D’autres exemptions existent : pour les vols militaires, les vols ambulances, les vols d’Etat. Et tous ceux-ci ne sont pas comptabilisés dans les quotas.

  • Est-il question d’abaisser ce quota d’exceptions ?

Peu probable. Suite aux plaintes liées au plan Wathelet, on a évoqué l’élargissement de la « nuit » de 23 à 6h à 22 à 7h sans pouvoir se baser sur aucune étude de faisabilité. Le plan recalé devra être revu de fond en comble, et le cabinet de la secrétaire d’Etat à la Mobilité Catherine Fonck (cdH) qui a succédé à Melchior Wathelet prépare une note pour les formateurs à ce sujet. Difficile d’évaluer le contenu de ces futures propositions à haut enjeu politique et communautaire. Les pistes de rediriger du trafic nocturne cargo, low cost ou charter sur Liège-Bierset ou Charleroi semblent aussi peu réalistes, l’un étant la plate-forme du concurrent de DHL, TNT, l’autre étant presque complet et fermé la nuit.

Du côté de Brussels Airport, on serait au contraire demandeur d’un relèvement de ce quota, vu l’arrivée de nouvelles compagnies comme cette année Ryanair.

  • Ces avions nocturnes doivent-ils être plus silencieux que les autres ?

Des quotas de bruit réservent ces mouvements de nuit aux avions les moins bruyants. Chaque avion a un certificat de bruit établi en fonction de sa charge totale (QC). Sur cette base, il peut ou non décoller de nuit. Le QC maximal de nuit est de 8, il est de 48 en journée de 7h à 21h. Les Boeing 777 ont un QC de 12. Les 757 sont autour de 4.

  • Peut-on évaluer le bénéfice économique de ces vols de nuit pour la région ?

60 000 emplois directs et indirects, 1,5% du PIB environ, 19 millions de passagers, 430 000 tonnes de fret : l’aéroport de Bruxelles pèse lourd dans l’économie du pays, même s’il fonctionne à demi régime depuis la faillite de la Sabena en 2001.

En 2003 une étude de l’AWACSS (Association of Wezembeek-Oppem against Aircraft Contraventions to Silence and Security) avait chiffré le coût de la fin des vols de nuit à 5% du chiffre d’affaires de DHL et à 0,372% du chiffre d’affaires de l’aéroport et à 0% de charters qui pouvaient être reportés en journée.

Le CEO de Brussels Airport souhaite développer son aéroport et créer ainsi 10 000 emploi supplémentaires. Pour ce faire, Arnaud Feist veut porter le nombre de mouvements par heure de 74 à 80 et relever le plafond des 16 000 slots de nuit par an. Arnaud Feist s’oppose à de nouvelles restrictions, notamment concernant les vols de nuit, qui auraient un caractère « économiquement fatal ».

  • DHL n’avait-il pas décidé de quitter Bruxelles après la première grande polémique sur le survol de Bruxelles ?

Après avoir annoncé le transfert de son hub européen de Bruxelles à Leipzig en 2004 et la suppression de 788 emplois en 2009, DHL a déménagé son quartier général à Leipzig qui devient son hub intercontinental. Mais DHL a maintenu trois départements (Aviation Capacity Sales, Global Aviation IT et Business Process Aviation) en Belgique alors que l’entreprise avait annoncé, en 2009, leur délocalisation. Et Bruxelles est toujours le deuxième centre européen de DHL derrière Leipzig.

  • D’autres aéroports européens urbains ont-ils un régime de nuit véritable, sans exception ?

Oui : un couvre-feu existe dans certains aéroport établis dans des zones fortement urbanisées, comme Orly à Paris qui dispose d’autres aéroports restant ouverts la nuit, mais aussi Francfort, Zurich ou Luxembourg. D’autres aéroports pratiquent les quotas de bruit la nuit, comme Bruxelles : c’est la cas en Allemagne comme à Munich ou encore à Londres (Heathrow, Gatwick et Stansted). A noter qu’en Allemagne, aucun couvre-feu n’est en vigueur à l’aéroport de Leipzig, situé en rase campagne entre Leipzig et Halle.